À la redécouverte des cépages anciens réintroduits en Ardèche

28 avril 2025


Pourquoi réintroduire les cépages oubliés ?


Les cépages anciens, souvent évincés au fil des siècles par des variétés plus standardisées ou faciles à cultiver, sont porteurs d’une incroyable richesse. Ils incarnent la mémoire d’un terroir, d’un climat, mais également de gestes agricoles parfois oubliés. Nombre d’entre eux sont parfaitement adaptés aux défis climatiques actuels : ils supportent mieux les sécheresses, les maladies ou encore les épisodes de canicule. De plus, ces cépages sont des vecteurs d'identité en opposition à une mondialisation du goût où certains vins tendent à se ressembler d’un bout à l’autre du globe.

En Ardèche, leur réintroduction est plus qu’un phénomène de mode ; elle témoigne de la volonté d’un renouveau durable et singulier de la viticulture. Elle est aussi une réponse aux enjeux écologiques grandissants, avec moins d’interventions nécessaires pour leur culture, car ces variétés autochtones sont naturellement adaptées aux spécificités locales.

Zoom sur les cépages oubliés qui renaissent sous le soleil d’Ardèche


Le chatus, l’âme retrouvée des Cévennes

Pénétrons d’abord dans les Cévennes ardéchoises pour découvrir le chatus, un cépage rouge à l’histoire mouvementée. Cultivé depuis plusieurs siècles dans la région, il avait quasiment disparu au XIX siècle après les ravages du phylloxéra et l’arrachage des vignes traditionnelles. Grâce aux efforts d’un groupe de passionnés dans les années 1990, ce cépage est aujourd’hui sauvé et réinstallé sur des sols schisteux et granitiques de la région.

Le chatus donne naissance à des vins intenses, charpentés et parfaitement adaptés à la garde. Au nez, il dégage des arômes de fruits noirs, de poivre et de sous-bois. Dans le verre, c’est une véritable invitation à la lenteur, une immersion aromatique qui raconte les montagnes et les terrasses oubliées. Ce cépage est devenu un symbole de renaissance viticole locale.

Le brun argenté, un blanc oublié

Au rayon des cépages blancs, le brun argenté, également connu sous le nom d’aramon blanc, refait timidement surface. Ce cépage ancien, bien que rare, possède des atouts indéniables dans une Ardèche parfois brûlée par le soleil. Il sait conserver une acidité éclatante et une fraîcheur saisissante. Les vignerons qui l’essaient aujourd’hui sur des terroirs calcaires ou siliceux de la région obtiennent des vins cristallins aux notes de pêche blanche, de citron vert et de fleurs d’acacia. Une véritable curiosité à surveiller de très près dans les prochaines années.

Le mornen noir, un survivant discret

Autrefois planté un peu partout en Ardèche, le mornen noir faisait partie des cépages emblématiques de la région. Malheureusement, comme beaucoup de cépages rustiques, il a été mis de côté à cause de son rendement jugé modeste. Cependant, son retour progressif est une belle surprise : il permet de produire des vins souples, aux arômes subtils de petits fruits rouges et d’épices douces. Planté en faibles quantités sur des sols bien ventilés, il reprend lentement sa place parmi les paysages ardéchois.

La renaissance guidée par les vignerons passionnés


Derrière la réintroduction de ces cépages oubliés se trouve une poignée d’hommes et de femmes visionnaires. Ils arpentent les archives, interrogent les anciens, échangent autour des plants survivants. Leur travail ne se limite pas à replanter des vignes : ils tissent des liens entre passé et futur, entre mémoire et innovation, pour offrir des vins singuliers qui respectent la terre et ceux qui la travaillent.

Cette quête est souvent aussi technique que poétique. Ces cépages n’ont pas pour ambition de remplacer les grenache, syrah ou chardonnay largement répandus en Ardèche, mais d’enrichir le paysage viticole en proposant des nouvelles expériences de dégustation. En associant biodiversité et savoir-faire, les vignerons œuvrent à des expressions uniques qui intriguent les amateurs comme les professionnels.

À quoi s’attendre dans le verre ?


Déguster ces cépages anciens, c’est souvent se laisser surprendre. Parce qu'ils n'ont pas encore livré tous leurs secrets, leurs expressions dans le verre sont variées et délicates. Le chatus, par exemple, demande du temps pour se révéler pleinement, tandis que le brun argenté étonne par sa vivacité et sa minéralité. Le mornen noir, plus discret, séduit par une simplicité rustique qui évoque les soirées d’antan.

Ces vins sollicitent tous nos sens : la robe d’un rouge profond ou d’un or éclatant, le nez souvent complexe et inattendu, et des palais qui oscillent entre force et fragilité. Chaque cépage raconte son histoire, celle de paysans, de coteaux et de combats face à l’oubli.

Un avenir prometteur pour les cépages réintroduits


Les cépages anciens en Ardèche ne sont pas qu’un hommage au passé : ils offrent des perspectives pour le futur. Bien adaptés aux évolutions climatiques, résilients face aux maladies et souvent peu gourmands en traitements phytosanitaires, ils s’inscrivent parfaitement dans une viticulture durable. Et au-delà de leur viabilité agronomique, ils apportent une vraie richesse de choix pour les vignerons comme pour les consommateurs.

Ces réintroductions nécessitent pourtant du temps et de la patience. Chaque pied de vigne doit grandir, produire, être vinifié, avant d’être compris et apprécié. Mais les résultats, parfois dès les premiers millésimes, laissent entrevoir un avenir prometteur pour ces cépages qui portent en eux une part d’éternité.

Une invitation à découvrir par soi-même


Si cet article vous a donné soif de découverte, il ne vous reste plus qu’à partir à la rencontre des vignerons ardéchois qui cultivent ces cépages oubliés. Poussez les portes des caves, chaussez vos bottes pour marcher dans les vignes et laissez-vous porter par ces récits gourmands. Ces vins sont plus que des boissons : ils sont des fenêtres ouvertes sur un paysage, une histoire, et une manière de respecter la terre.

Alors, que choisirez-vous ? Un chatus aux accents poivrés, un blanc de brun argenté, ou un mornen noir élégant ? Quelle que soit votre réponse, sachez que chaque gorgée portera en elle un fragment du patrimoine ardéchois, sublimé par des mains passionnées.

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